Vous avez décidé d’acheter un appartement. Vous hésitez sur les modalités d’achat : acheter en direct ou via une société civile immobilière (SCI). La réponse n’est pas binaire et dépend d’une part de vos besoins et motivations à court et/ou à long terme et d’autre part de la fiscalité correspondante. Voici quelques pistes de réflexion.
Vous pouvez donc constituer une SCI qui deviendra propriétaire du bien immobilier (soit par apport, soit par achat). Les associés, généralement des parents, deviennent ainsi propriétaires des parts de la SCI.
1. Ses avantages
Une constitution facile
La création d’une SCI nécessite seulement au minimum deux associés. Ces associés reçoivent un nombre de parts sociales proportionnel au montant de leur apport respectif. Les apports peuvent être réalisés en nature (un bien immobilier) et/ou en numéraire (une somme d’argent).
Un achat collectif permettant un effet de levier financièrement intéressant
La SCI permet à plusieurs personnes d’acheter, détenir voire gérer collectivement un bien immobilier. Cela permet de financer (avec notamment l’obtention d’un crédit plus important) et de mutualiser plus facilement le coût d’achat, de rénovation, d’entretien et de gestion d’un bien immobilier.
La location de l’immeuble acheté par la SCI générera des loyers qui viendront rembourser le crédit ayant financé ledit immeuble. Une fois le remboursement du (ou des) crédit bancaire effectué, les loyers perçus par la SCI seront redistribués (en fonction du nombre de parts qu’ils détiennent respectivement) aux associés après déduction de toutes les charges locatives.
Une gestion souple et organisée
Les fondateurs de la SCI disposent d’une grande liberté dans la rédaction des statuts qui définissent le fonctionnement de la SCI. Ils peuvent prévoir un cadre de fonctionnement souple ou restrictif.
Une rédaction minutieuse de ces statuts permet donc d’éviter les conflits entre héritiers:
- Ainsi, les pouvoirs du gérant peuvent ainsi être restreints en soumettant à leur autorisation certaines prises de décision.
- Ils peuvent aussi prévoir que toute cession à des tiers (à définir précisément) nécessitera l’autorisation des autres associés (clause d’agrément).
- Ils peuvent prévoir les modalités de répartition tant des revenus générés par le ou les immeubles et que des dépenses supportées par ces derniers.
- Il est aussi possible de prévoir les gérances successives en cas de décès d’un des deux parents.
- Il serait judicieux de prévoir les modalités d’estimation du ou des biens immobiliers (avec idéalement le recours à un expert immobilier).
Les associés peuvent aussi décider dans les statuts que la prise de décision prendra la forme d’une consultation écrite afin d’éviter le formalisme de l’assemblée.
En outre, ces statuts peuvent indiquer les conditions d’utilisation du bien immobilier par les différents membres de la famille, permettant ainsi de limiter voire d’éviter les possibles conflits entre eux.
Une cession , une transmission et une succession facilitées
La cession de parts sociales est plus aisée que la cession de l’immeuble sous-jacent. En effet, la SCI permet à chacun des associés d’être propriétaire de parts sociales facilement cessibles et non d’un immeuble non divisible dont la cession est par nature moins liquide. Et la cession des parts ne nécessite pas l’intervention d’un notaire et entraîne des frais de cession plus faibles.
En présence de plusieurs héritiers, la transmission égalitaire et progressive de parts sociales en est facilitée et permet de prévenir les conflits entre ces derniers.
En effet, un étalement de la transmission du bien immobilier est possible: les parents peuvent régulièrement donner (en pleine propriété ou en nue-propriété) à leurs enfants des parts sociales tout en conservant l’usage à titre principal du bien. Ces donations pourront bénéficier d’une fiscalité avantageuse:
- la valeur des parts données qui permettront de calculer les droits de donation est déterminée en fonction d’une part de la valeur du bien immobilier et d’autre part du passif de la SCI (i.e l’actif net) (l’emprunt souscrit pour acheter l’immeuble).
- est appliqué une décôte fiscale et un abattement de 100 000 € tous les 15 ans et par parent sur les droits de donation pour chaque enfant (cf. l‘article 779 du CGI). Il est judicieux de transmettre les parts au moment de la création de la SCI car leur valeur devrait généralement croître avec la valeur de l’immeuble sous-jacent.
De plus, en l’absence de SCI, la succession entraîne la détention du ou des immeubles en indivision le temps que la succession entre les héritiers soit liquidée. Or, le régime de l’indivision est contraignant et entraîne généralement des situations conflictuelles (compte tenu de la règle de l’unanimité, de la solidarité des dettes et charges et du caractère provisoire de l’indivision qui permet à tout indivisaire de demander la vente du bien immobilier – cf. article 815 du Code civil). La société permet donc de préserver l’intégrité du patrimoine successoral.
2. Ses inconvénients
Un fonctionnement coûteux et relativement lourd
Une SCI génère des coûts tant pour sa création (les statuts devraient être rédigés par un professionnel du droit) que pour son fonctionnement annuel.
Les coûts incompressibles de constitution d’une SCI sont les suivants:
- les honoraires du professionnel du droit, généralement un notaire (dont le montant dépend de la valeur du bien immobilier) (ils dépassent généralement les 2000 euros).
- les émoluments de formalités qui rémunèrent l’intervention du notaire pour accomplir les différentes formalités (demandes d’actes d’état civil, copies authentiques, demande d’état hypothécaire…) (forfait de 415 euros).
- les frais liés à la publication de l’annonce légale de constitution de la SCI.
- les frais d’insertion au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (Bodacc).
- les frais d’immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés via le Centre de formalités des entreprises.
- le versement de la contribution de sécurité immobilière (égale à 0,10% de la valeur du bine immobilier) en cas d’apport d’un bien immobilier à la société.
Le fonctionnement de la SCI implique de remplir des contraintes légales et administratives telles que la tenue d’une comptabilité.
Le sort du conjoint survivant
Dans le cas où l’immeuble de la SCI constitue la résidence principale des parents, le conjoint survivant, considéré comme occupant ou locataire, ne pourra pas bénéficier du droit au logement familial après le décès de son époux(se). Ce droit n’est accordé que si le logement appartient soit aux deux époux soit au défunt.
Une responsabilité plus lourde des associés
Les associés de la SCI sont indéfiniment responsables des dettes de la société sur leur patrimoine personnel.
Une fiscalité « mi-figue mi-raisin »
La SCI qu’elle soit soumise à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés supportera une fiscalité alourdie soit lors de la détention de l’immeuble soit lors de la revente de l’immeuble.
En effet, la SCI, société civile par nature, est soumise à l’impôt sur le revenu. Toutefois, les associés (ou l’activité qu’elle réalise) peuvent décider d’opter à l’impôt sur les sociétés. Ce choix est irrévocable.
A- La soumission de la SCI à l’impôt sur le revenu entraîne pour les associés :
- une taxation importante sur les bénéfices de la SCI en fonction de leur quote-part dans le capital.
En effet, les bénéfices générés par la SCI sont soumis à la progressivité du barème de l’impôt sur le revenu (taux maximal de 45%), majoré des prélèvements sociaux (17,2%). C’est-à-dire que les revenus et les charges que les associés perçoivent au travers de la SCI sont automatiquement pris en compte dans leur déclaration d’impôts personnelle : c’est la transparence fiscale. Les associés sont ainsi personnellement imposés, sur la quote-part de résultat leur revenant à proportion de leurs parts, dans la catégorie des revenus fonciers.
La taxation s’appliquera après déduction des différents frais (intérêts d’emprunts, primes d’assurances, les dépenses des travaux de l’année, les différentes taxes telles que la taxe foncière).
Par ailleurs, les éventuels déficits pourront être imputés sur le revenu global.
- une taxation favorable sur la plus-value en fonction du régime des plus-values des particuliers.
Une exonération progressive de l’impôt sur le revenu (IR) sera appliquée par le jeu d’un abattement annuel (avec une exonération totale de l’IR en cas de détention du bien immobilier pendant 22 ans et une exonération totale des prélèvements sociaux en cas de détention de ce même bien pendant 30 ans).
L’éventuelle plus-value (correspondant à la différence entre le prix de vente et le prix d’acquisition majoré de certains frais et après application de l’abattement pour durée de détention) est taxable:
- à l’impôt sur le revenu au taux de 19%. Une surtaxe (allant de 2% à 6%) est applicable si la plus-value nette est supérieure à 50 000 €.
- aux prélèvements sociaux de 17,2%.
Toutefois, ce régime interdit à la SCI de réaliser toute activité commerciale sous peine de basculer automatiquement au régime de l’impôt sur les sociétés. Ainsi, les associés ne pourront pas louer en meublé le bien immobilier (fiscalement considérée comme une activité commerciale) ni réaliser une activité de marchand de biens. Seule la location non meublée est autorisée pour échapper au régime de l’IS.
B- La soumission de la SCI à l’impôt sur les sociétés permet :
- une taxation favorable sur les bénéfices.
D’une part, les bénéfices générés par la SCI échappent à la progressivité du barème de l’impôt sur le revenu.
D’autre part, les charges supportées pour le fonctionnement de la société sont déductibles et viendront réduire le résultat imposable et par voie de conséquence l’impôt sur les sociétés de la SCI. Ainsi, un amortissement (qui est constaté pour tout actif perdant de sa valeur en raison de son utilisation) pourra être comptabilisé.
La société (répondant à certaines conditions et notamment un CAHT inférieur à 7,63 millions €) sera imposée à 15% jusqu’à 38.120 € de bénéfices (le montant s’appréciant sur une année) puis à 28% au-delà de ce montant.
Les bénéfices non distribués ne seront pas taxés au niveau des associés. Ils ne le seront que s’ils sont distribués (à l’IR via le prélèvement forfaitaire unique ou « flat tax » au taux de 30%). L’associé peut opter pour l’application du barème progressif de l’IR, ce qui lui permettra de bénéficier de l’abattement de 40% sur les dividendes.
NB: attention, d’une part, cette option n’est intéressante que si le taux marginal d’imposition de l’associé est inférieur à 30% et d’autre part, cette option est applicable à tous les revenus susceptibles de bénéficier du PFU pour l’année en cours.
- une taxation pénalisante sur l’éventuelle plus-value générée lors de la vente du bien immeuble (régime des plus-values professionnelles) :
La contrepartie de la déduction des amortissements est l’augmentation de l’assiette de l’impôt sur la plus-value en cas de revente du bien immobilier car cette plus-value taxable sera en effet calculée sur la différence entre le prix de vente et le prix d’achat moins les amortissements pratiqués. La base taxable sera considérablement augmentée d’autant plus si le bien est totalement amorti au moment de la vente.
Et la plus-value sera taxée à l’impôt sur les sociétés (à 15% jusqu’à 38.120 € puis à 28% au-delà de ce montant) sans avoir la possibilité d’appliquer un abattement pour durée de détention.
Enfin, le prélèvement forfaitaire unique (PFU ou flat tax) de 30% sera appliqué en cas de redistribution de cette plus-value aux associés sous forme de dividendes .
Si vous optez pour l’impôt sur les sociétés, ce choix est irrévocable. Il est donc nécessaire de comprendre les conséquences de cette option sur le long terme .
Dans les deux cas, la SCI vous permet de diminuer l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), et ce jusqu’à 30% sur la valeur des parts lorsqu’il s’agit d’une résidence principale.
Si vous souhaitez avoir plus de renseignements ou me contacter pour un éventuel projet, n’hésitez pas à remplir le formulaire de contact : ici
Sources :
- https://proprietes.lefigaro.fr/conseils/la-sci-un-bon-moyen-pour-gerer-son-patrimoine-immobilier
- https://www.notaires.fr/le régime de l’indivision
- Sociétés civiles – Mémento pratique – Editions Francis Lefebvre
- Société civile immobilière – Delmas Express – Sylvaine Porcheron et Clémence Frances-Dehors
- Le mémento de la SCI – Les Guides RF – Groupe Revue Fiduciaire
- Votre notaire et vous – 2018 – Le Particulier